Texte complet de la critique
“Lac-Mégantic : ceci n’est pas un accident”, de Philippe Falardeau, Nancy Guerin et Elric Robichon : notre critique
Le 6 juillet 2013, un train composé de soixante-douze wagons-citernes contenant chacun cent tonnes de pétrole brut a explosé en traversant la bourgade québécoise de Lac-Mégantic, six mille habitants, en fin de soirée. L’embrasement a été immédiat. Le centre-ville de Lac-Mégantic, à quelque 250 kilomètres de Montréal, a été dévasté et quarante-sept habitants calcinés. Or cette tragédie « n’est pas un accident », démontre cette remarquable série documentaire découpée en quatre épisodes. « Elle était prévisible, annoncée et donc évitable », assure Anne-Marie Saint-Cerny, autrice d’une vaste enquête publiée en 2018 — Mégantic, un train dans la nuit —, sur laquelle se sont appuyés les documentaristes.
Voici la démonstration accablante d’une défaillance des autorités de l’État qui ont laissé les industriels du pétrole de schiste, associés aux intérêts économiques des compagnies privées exploitant le réseau ferroviaire, établir et réguler eux-mêmes les règles de sécurité. Entre 2009 et 2013, le transport de ce pétrole hautement volatil a augmenté de… 28 000 % ! « Personne ne s’est dit que c’était un problème, jusqu’à ce qu’un train explose au cœur d’une ville », soutient Daniel Larochelle, un avocat qui travaillait à Lac-Mégantic, désormais en charge d’une action de groupe des habitants. Cette tragédie reste la plus mortelle au Canada, mais elle n’a rien modifié ou presque : le commerce continue, des trains de parfois 5 kilomètres de long, et très lourds, traversent d’Ouest en Est le pays, charriant des matières ultra dangereuses sur des rails de montagnes peu entretenus… D’autres catastrophes se sont déjà produites. Un cynisme glaçant où les profits passent bien avant la vie des gens.